Ces carnets de voyage sur la route de la soie sont quelques nouvelles envoyées par email au fil du voyage depuis les pays traversés : Italie-Grèce, Turquie, Iran, Turkménistan, Ouzbékistan, Kazakhstan, Kirghizstan, Chine (Kashgar, Turpan, Xi An et Pékin).

Le monastère de Roussanou, les Météores, Grèce - 2005
Le monastère de Roussanou, les Météores, Grèce - 2005

Italie – Grèce,

04 juin 2005

Nous voila partis, comme prévu le 30 mai, il y a toujours de l’émotion avant d’appuyer sur le bouton start, mais cela s’est estompé rapidement avec les premiers tours de roue. La traversée de l’Italie s’est bien passée.

Nous avons échappé de justesse à un gros orage de grêle sur l’autoroute en nous abritant sous un pont providentiel. Première étape dans un camping situé à Marghera à 15 km de Venise. Le lendemain matin, nous avons un peu de temps pour jouer les touristes à Venise et nous offrir un café sur la place Saint-Marc.

Embarquement pour la Grèce l’après-midi, la traversée est très calme et c’est une journée de repos qui est la bienvenue après le speed de ces dernières semaines. L’arrivée à Igoumenitsa en Grèce se fait sous un ciel menaçant, et le soir, le très précaire bungalow du camping de Kastraki est appréciable pour nous éviter une nuit pluvieuse sous la tente.

Aujourd’hui nous avons franchi les massifs qui nous séparent des Météores sous quelques gouttes de pluie mais échappons encore une fois à la douche… le site des Météores, avec ses monastères perchés sur des pitons rocheux, est un endroit d’une grande beauté.

Demain, nous reprenons la route direction la Turquie et Istanbul…

Taxis devant la mosquée bleue, Istanbul, Turquie - 2005
Taxis devant la mosquée bleue, Istanbul, Turquie - 2005

Turquie,

10 juin 2005

Arrivée à Istanbul, l’entrée dans la ville à moto reste une épreuve, la circulation n’y est pas très rapide mais excessivement dense. Les conducteurs Turcs ont horreur du vide et tout espace libre est immédiatement comblé…

C’est notre première véritable étape sur la route de la Soie, cette ville charnière entre l’Europe et l’Asie a gardé un charme fou même si elle s’occidentalise à toute vitesse.

Déjà plus de 4500 km, 16 juin 2005

parcourus depuis le départ, après les paysages féériques de Cappadoce, une étape indispensable au mont Nemrut, nous poursuivons maintenant notre route vers l’est de la Turquie…

Ehmet et son side-car sur la route de Malatya, Turquie - 2005
Ehmet et son side-car sur la route de Malatya, Turquie - 2005

Cruel dilemme,

Nous roulons ce matin vers Malatya, il fait beau, la route est droite et monotone. Quelqu’un, arrêté au bord de la route me fait signe, j’avais cru voir un attroupement autour d’une moto, je ralentis, fais demi-tour et rejoins le groupe.

Ehmet, le jeune homme qui m’a fait signe me montre sa roue dégonflée et m’explique que l’obus de la valve de sa chambre à air est mort et il lui faudrait un démonte obus. Je réalise alors que j’ai oublié le mien ! (bien joué Chris, bonne préparation).

j’ai bien un obus sur une de nos chambres de rechange, entre temps Jean Loup qui était devant a fait demi tour et nous a rejoints, mais comment le démonter ? il y aussi un minibus qui s’était arrêté avant nous, et un des passagers a commencé à bricoler un outil avec un bout de fil de fer, mais ça ne marche pas, rien à faire…

Il ne reste qu’une solution, lui donner la chambre à air complète, un regard vers Jean-Loup, nous savons tous les deux que se séparer de notre seule chambre à air avant de rechange à ce stade du voyage risque un jour de nous coûter bien cher sur la piste.

De toute façon, il n’est pas possible de laisser Ehmet en rade avec son side-car sous le soleil au bord de la route. A l’intérieur du panier du side, il transporte tout son campement, ses couvertures et dessus prennent place sa femme et ses 3 gamins dont le plus grand ne doit pas avoir plus de 4 ans.

Je lui donne la chambre, le problème est résolu, les passagers du minibus s’éclipsent, nous restons seul avec Ehmet et sa famille, je fais quand même un dernier essai de démontage, car nous avons encore un peu amélioré notre outillage de fortune et … miracle ça marche ; nous pouvons réparer la roue du side et conserver notre précieuse chambre.

Après quelques coups de pompe, Ehmet est radieux, c’est une réparation de fortune, mais il peut rouler et rallier le prochain village sans problème.

Quelque jours après, même si j’ai maintenant appris comment fabriquer un démonte obus de fortune, je me dis qu’il serait bien d’en trouver un vrai pour compléter notre équipement, au cas où…

Je m’arrête au bord de la route dans un magasin « d’Otolastik » (pneumatique en turc, ça ne s’invente pas !), j’explique au gars ce que je cherche, il fouille un peu dans ses poches, et avec un sourire il me tend le petit outil dont il me fait cadeau,

merci à toi l’ami.

Mur peint de propagande, Bandar e Anzali, Iran - 2005
Mur peint de propagande, Bandar e Anzali, Iran - 2005

Iran,

25 juin 2005

Welcome to Iran ! est une phrase que nous entendons beaucoup depuis ces derniers jours !

Le passage du check point de Bazargan ne fût qu’une simple formalité, quelques coups de tampons sur notre carnet de passage en douane et nous voilà en Iran.

Première épreuve, changer de l’argent, les banques ne changeant pas les lires turques, il faut donc faire du change dans la rue, les changeurs au black vont s’abattre sur nous comme une nuée de sauterelles et cela va nous prendre deux bonnes heures pour connaître le taux de change et effectuer la transaction, ouf !!!

Notre première étape est la ville d’Orumiye, dans une station service, une famille nous aborde, leur fils Ali parle un peu anglais, ils vont nous inviter et nous héberger pour la nuit, le pompiste m’a aussi offert le plein de la moto, l’hospitalité des Iraniens n’est vraiment pas une légende. Ils en arriveraient presque parfois à se disputer le « privilège » de nous accompagner ou de nous montrer le chemin.

Mais il y a aussi l’envers du décor, l’Iran c’est aussi le pays du hijab pour les femmes, et du flicage permanent pour tout le monde. Il n’y a quasiment pas un seul flic en uniforme dans la rue, mais dans le quart d’heure qui suit notre arrivée quelque part, débarquent généralement un ou deux mecs plutôt bien sapés, qui parlent assez bien anglais « hello, my friends, where are you from ? have you any problem ? », bon, ils nous prennent aussi un peu pour des nouilles et nous pousseraient peut être bien à la faute, il y en a un ce matin qui tout en jouant les guides touristiques m’indiquait un endroit ou nous pouvions trouver de l’alcool et de la drogue… ?!?! Welcome to Iran !

Prochaine étape, la ville de Quazvin que nous pensons atteindre en traversant le massif montagneux des Alborz, donc pistes en prévision…

 

Mashhad,

ville sainte et lieu de pèlerinage pour les musulmans Shiites du monde entier, la ville est toute entière construite autour du tombeau sacré de l’imam Reza, huitième « successeur » du prophète Mahomet, empoisonné en 817 (Mashhad signifie littéralement lieu du martyre).

L’accès à la tombe nous est interdit, mais nous avons pu néanmoins pénétrer dans les enceintes ; et la finesse de l’architecture, des décorations et des mosaïques est tout simplement époustouflante, malheureusement il est interdit de faire des photos à cet endroit, donc les seules photos que vous verrez sont prises à l’extérieur de l’enceinte !

Demain nous prenons la direction du Turkménistan pour 10 jours de transit.

Mosquée en construction, Mary, Turkménistan - 2005
Mosquée en construction, Mary, Turkménistan - 2005

Turkménistan,

21 juillet 2005

Voici la suite de ces carnets de voyage. Non, je ne me suis pas perdu dans les sables du Karakoum !!! mais je suis à la bourre pour les news ; peut-être nous avions vous trop bien habitués ;o)), il faut dire que nous ne chômons pas à Tashkent, la chasse au visas est ouverte et pour le moment nous avons dans la poche celui pour la Chine et le Kazakhstan, à suivre… Mais avec l’Ouzbékistan nous avons retrouvé les connections Internet, donc voici quelques news sur la traversée du Turkménistan.

Tout ce que j’avais pu lire ou entendre sur le pays pouvait laisser supposer le pire pour franchir les frontières de ce pays plutôt fermé. Et bien il n’en fût rien, certes le racket existe mais il est planifié, organisé et les tarifs sont affichés sur les murs de la douane : 1 USD pour la désinfection de la moto (elle aurait surtout eu besoin d’un bon décrassage !), 20 USD pour compensation des frais de carburant…, c’est vrai que le prix de l’essence est ridiculement faible dans ce pays, et tout le reste à l’avenant… Juste pour l’anecdote, avant de quitter le pays, nous voulions refaire le plein de nos réservoirs et nous avons pu rajouter au maximum 6 litres dans les 2 motos, quand le pompiste a vu le total, il nous a fait signe de filer parce que ça ne valait pas le coup de nous encaisser !!!

Pour revenir à l’entrée dans le pays, nous avons été plutôt agréablement surpris, l’ambiance était décontractée et après quatre heures de paperasse tout de même nous revoilà sur la route ou plutôt dans la fournaise. Le changement avait commencé à se faire sentir en quittant Mashhad, un air brûlant à couper le souffle et là c’est du sérieux, ils est 16 h lorsque nous quittons la douane, les leviers de la moto sont brûlants et l’air est irrespirable, il va nous falloir adapter le rythme car dans le coin les températures peuvent avoisiner facilement les 50 degrés.

Les check-points sont nombreux sur la route, les premiers nous arrêtent systématiquement, ce sont des gamins qui ont à peine vingt ans et qui font leur service militaire, mais ils sont surtout intéressés par la moto, donc nous circulons assez librement.

Nous allons nous poser pour quelques jours à Mary, c’est un petite ville moderne, à la soviétique, grandes avenues très larges, avec beaucoup d’espaces verts, mais elle a aussi été revue par Niyazof, le dictateur mégalomane, donc au programme fontaines, grandes esplanades de marbre avec statues à la gloire du bonhomme, il est de toute façon partout, au feu rouge, sur les murs… son sourire bienveillant s’affiche PARTOUT !

Impossible non plus de rater ses livres, car il est bien sûr aussi écrivain. Il a apparemment réécrit l’histoire de son pays…, je comprends maintenant mieux pourquoi l’officier des douanes me demandait si j’avais des livres d’histoire dans mes bagages : ici mon Lonely planet « Central Asia » pourrait donc passer pour un ouvrage subversif ! La lecture de ces bouquins est pour certains obligatoire et leur contenu est enseigné dans les écoles…

Paradoxalement, malgré cet étouffant culte de la personnalité, la vie semble assez paisible au Turkménistan pour l’homme de la rue, beaucoup plus qu’en Iran par exemple. Niyazof, qui s’est quand même débarrassé de toute forme d’opposition, semble ne pas tenir le pays dans un carcan trop serré. Et malgré la pression qu’ils doivent subir, les gens que nous avons pu rencontrer ont toujours été disponibles, serviables, prévenants, j’en garde vraiment un souvenir agréable.

A partir de Mary, bien que nous soyons en transit, nous allons pouvoir explorer les environs et notamment le site de Merv situé à une trentaine de kilomètres. Donc généralement, lever à 4h du mat et départ dans les dernières minutes d’obscurité. Et même moi qui ne suis pas du genre matinal, je dois avouer que c’était un grand plaisir de rouler ainsi dans la fraîcheur du matin et puis le lever de soleil sur le site est un vrai bonheur !

Le site de Merv (environ 100 km2) n’est en fait qu’une des cités qui s’étaient développées dans l’oasis de Murgab, nous avons vainement recherché l’une d’entre elle : Gonur Depe, pas assez d’infos pour la localiser, nous savions seulement qu’elle était située à environ 60 km au nord de Merv et même les locaux ont du mal à la situer : le désert du Karakoum gardera donc son secret !

La sortie du pays fût plus chaotique, nous pensions être nickel au niveau paperasse, et bien non, nous avions commis l’erreur fatale de ne pas enregistrer nos visas de transit au bout de 5 jours ; ne me demandez pas où, je crois que personne ne sait où peut se trouver cet obscur bureau.

Bref, nous avions enfreint les règles de l’immigration du pays et il ne nous restait donc que deux options : payer 100 USD chacun pour laver la faute ou être interdits de Turkménistan pour un an et demi, bien évidemment nous avons choisi la deuxième option… nos passeports sont donc maintenant marqués à l’encre rouge et nous savons qu’il n’y aura pas de retour par la route par le Turkménistan.

Et après plus de 6 h coincés dans la douane Turkmène pour régler ce petit problème, l’entrée en Ouzbékistan, montre en main, s’est faite en une demi-heure, facile !

La mosquée Juma, Tashkent, Ouzbékistan - 2005
La mosquée Juma, Tashkent, Ouzbékistan - 2005

Ouzbékistan,

29 juillet 2005

Voilà, j’ai mes visas en poche, Kazakh, Kirghize, Chinois… en route pour la deuxième partie du voyage, peut être la plus compliquée mais c’est aussi cela qui fait le charme du voyage.

Nos routes se séparent désormais avec Jean-Loup, il va essayer de rentrer dès maintenant en Chine par le Kazakhstan, je reste pour ma part en Ouzbékistan jusqu’aux environs du 11 août, date à laquelle je prendrai aussi la direction du Kazakhstan pour tenter également l’entrée en Chine par la Khorgas pass et selon le résultat je me dirigerai alors vers le Kirghizstan pour essayer de passer par Irkhestam pass, peut-être nous croiserons nous à Kashgar…

En attendant, voici quelques images d’Ouzbékistan et notamment de ces villes et étapes mythiques que furent Samarkande et Boukhara sur la route de la Soie.

Yourtes de nomades, lac de Song Kol, Kirghizstan
Yourtes de nomades, lac de Song Kol, Kirghizstan - 2005

Kirghizstan,

28 août 2005

Il était temps que je quitte la ville, après ces quelques jours passés à Almaty pour envisager le retour futur de la moto et échafauder des plans pour rentrer en Chine, j’avais besoin de me replonger dans le voyage, de retrouver la nature, de dérouler mon sac de couchage dans ces Tien Shan (au joli nom de montagnes célestes en Chinois) qui me barrent l’horizon depuis que je suis arrivé au Kazakhstan.

Direction le Kirghizstan, et première étape Bishkek, la ville me tient toujours avec sa circulation, son agitation, ses fast food, mais plus pour longtemps, après une halte rapide à Tcholpan Ata, petite station balnéaire au bord du lac Issyk Kul, qui serait le deuxième plus grand lac d’altitude après le Titicaca, je prends la route de Song Kol, un autre lac d’altitude, de dimensions plus modestes mais situé lui à plus de 3500 mètres d’altitude.

La route est belle et serpente au départ dans un univers minéral, les cinquante derniers kilomètres se transforment en une superbe piste de montagne pour franchir la passe et redescendre en pente douce vers le lac. J’avais imaginé le lac enserré au milieu des sommets et en fait c’est un grand plateau au relief très doux que je découvre.

Quelques yourtes sont posées ici et là, un jeune homme me fait signe, après nous être présentés, Murat m’invite à prendre un thé, lui et sa famille passent au bord du lac la saison estivale avec leur troupeaux. Je peux poser ma tente à côté de leur yourte, je pensais y passer une nuit mais en fait séduit par l’endroit, je vais en fait y passer plus de temps que prévu !

L’endroit est magnifique, une petite rivière coule à proximité, les animaux paissent en liberté, on peut passer le temps à compter les moutons ou surveiller le vol des rapaces.

J’adore la simplicité et la sincérité du contact avec ces gens, ce sont des instants précieux qui je crois justifient à eux seuls tous ces kilomètres !

Après deux jours, il me faut tout de même penser à quitter Artach (le lieu-dit), je ne vais pas aller bien loin, la météo à cette altitude est très changeante ; j’ai à peine parcouru 30 km de piste pour contourner le lac par le sud et me voilà dans la tourmente, une pluie glaciale accompagnée de bourrasques de vent me cloue sur place.

Je vais trouver refuge dans un campement de yourtes, il y a là un groupe de touristes espagnols, leurs guides m’offrent une soupe chaude providentielle, merci encore Olga et Svieta. Lorsque le temps va se dégager il est trop tard pour reprendre la piste, il reste encore 140 km jusqu’à ma prochaine étape et plusieurs cols à passer sur la piste. Ce sera donc une nuit de plus à Song Kol, il y a pire comme punition !

Le nom de Tash Rabat a toujours évoqué pour moi la route de la Soie (Jibek Joly en Kirghize). Il fallait que je voie cet endroit ! Ce caravansérail du 15ème siècle, qui serait d’ailleurs selon certains un monastère ou une forteresse, se niche dans une vallée du massif At Bashy qui débouche sur une passe à 4000m. Ce qui est certain par contre, c’est que cette vallée fût l’axe de passage principal au travers du massif des Tien Shan dès les débuts de la route de la Soie, la route actuelle passe maintenant plus au sud par la passe du Torugart.

En quittant Tash Rabat, j’avais 2 options, à droite Bishkek et à gauche la Chine, je n’ai pas résisté, je suis donc allé faire un petit coucou aux Chinois, j’ai pu sortir facilement du Kirghizstan, ils n’ont pas vérifié que je n’avais pas arrangé le passage, passer le premier check point chinois (moyennant 20 euros tout de même), et aller jusqu’au poste de contrôle principal totalement désert : c’est l’heure du déjeuner

Une fois le déjeuner terminé, le poste s’anime et j’ai beau plaider ma cause, la réponse de l’officier chef de poste est sans appel : no way !!! et même en chinois c’est très clair.

Je n’ai donc passé que 2 heures en Chine, juste le temps d’une photo, mais c’était un peu prévisible et je le savais, la passe du Torugart est la plus stricte qui soit au niveau des formalités de passage… Il faut impérativement préparer son entrée avec une agence qui vient vous attendre côté Chinois moyennant un gros paquet de billets verts.

Mais la balade fût belle, 200km de piste aller retour tout de même avec une passe à 3700 mètres d’altitude, et tout ça sous un grand soleil ; c’était une belle expérience !!! Je vais maintenant retourner au Kazakhstan, après un bref passage à Bishkek pour récupérer un visa Kazakhe, et tenter de rentrer à nouveau en Chine.

Sur la route d'Almaty, mausolée de Aisha bibi, Kazakhstan, 2005
Sur la route d'Almaty, mausolée de Aisha bibi, Kazakhstan, 2005

Kazakhstan,

13 août 2005

Vendredi 12 août, il est presque 20h, la pluie vient de s’arrêter, j’arrive enfin à Alma Ata (Almaty) !

Je savais ce matin en partant que la route serait longue (plus de 540 km) : il est en effet 10h lorsque je quitte Taraz ma première étape après avoir passé la frontière, ce n’est pas pour cause de grasse mat mais il fallait absolument que j’attende l’ouverture de la banque car l’hôtel russe délabré ou j’ai passé la nuit m’a délesté de mes derniers Tenge, la monnaie locale.

Je commence fort, j’ai à peine parcouru 10 km que je me fais piquer dans le cou par un gros truc volant non identifié, je gonfle à vue d’œil ; par chance j’ai une pommade efficace et ça repart.

Mais maintenant c’est la météo qui va s’en mêler, le regard porte loin dans ces immensités et depuis un moment l’horizon s’obscurcit, les éclairs frappent la steppe, aie aie aie. D’habitude j’attends d’être complètement trempé pour m’équiper, je me dis toujours que c’est juste une petite averse, que cela va passer, aujourd’hui, je choisis l’option prévoyance et je m’habille avant.

Je ne suis pas déçu, c’est une belle rincée, des flaques énormes se forment sur la chaussée déformée, les camions m’en remettent une couche, j’ai un peu l’impression par moment de faire du hors-bord, mais bon il ne fait pas froid et puis lorsque je fais une pause, la gentillesse des Kazakhes me fait chaud au cœur, ce sont des gens très chaleureux et les rencontres sur la route sont toujours des moments sympathiques même si nos échanges sont un peu limités par mon russe :

lui : Atkuda ? (d’où tu viens ?)
moi : Ya francouski (je suis français)
lui : wooohh
lui : ipaniema ruski ? (tu comprends le russe ?)
moi : tchou tchou (à peine)
lui : kudai ? (tu vas où ?)
moi : Alma ata
lui : Patom ? (après ?)
moi : kitai (Chine)
etc, etc
puis moi : spassiba, da svidania (merci, au revoir)

Je commence à maîtriser cette petite conversation, je la fais environ 35 fois par jour ;o), j’allais oublier je connais aussi des mots de survie indispensables : piwa : bière et gastinitsa : hôtel…

Par contre, le fléau vodka est beaucoup plus présent ici qu’en Ouzbékistan ou au Turkménistan, j’ai vu plus de mecs bourrés en deux jours qu’en deux mois et demi de voyage. Hier sous le déluge, sur le bord de la route rectiligne, une vieille voiture russe est arrêtée les portières grandes ouvertes, un gars me fait signe, je pense qu’ils ont peut être un problème, je stoppe à sa hauteur, il a le regard vide, il articule avec peine, déjà qu’en temps normal j’ai du mal à tout comprendre…, ils sont complètement saouls, je les quitte très rapidement.

Retour sur la route, les nuages vont laisser la place au soleil, chouette un peu de répit et c’est tant mieux car la route va bientôt se transformer en piste pour cause de travaux. après ces portions difficiles, je retrouve une route excellente mais aussi un peu de pluie pour les derniers kilomètres jusqu’à Almaty. Je peine un peu pour trouver un hôtel, la douche est vraiment bonne ce soir là, il est 22h !!!

Kashgar, la vieille ville, Xinjiang, Chine, 2005
Kashgar, la vieille ville, Xinjiang, Chine, 2005

Chine – Kashgar,

15 septembre 2005

Voilà, c’est fait, je suis passé en Chine le 5 septembre, depuis le Kazakhstan, par le poste frontière de Druzba, presque aussi facilement que pour passer du Kirghizstan au Kazakhstan, ils ont juste contrôlé sérieusement mes bagages, deux fouilles complètes, bonjour le déballage devant la douane.

Sinon ils ont été très sympas, plusieurs fonctionnaires parlaient anglais ce qui a facilité grandement les choses, rien de spécial au niveau paperasse, juste le passeport avec le visa et la carte grise de ma moto, j’ai rempli une déclaration de douane où ma moto était mon seul objet de valeur…, ils ne m’ont pas demandé 1 dollar… et le jeune officier des douanes m’a simplement demandé si j’avais une carte et m’a gentiment dit en me rendant mon passeport « Have a nice trip ».

Maintenant, c’est là que les choses se compliquent, heureusement qu’ils sont disponibles, il y a toujours quelqu’un pour me guider spontanément lorsque je cherche quelque chose et ça arrive souvent : une banque, un endroit où dormir… je commençais à peine à me faire au russe et voila que tout est à refaire ;o))) J’ai tout de même appris mes premiers mots aujourd’hui : xie xie (merci) et fagoua ou fagoda (français), mais je vous rassure personne ne comprend quand je le dit… sinon c’est super, j’ai un peu l’impression d’avoir basculé dans un autre monde.

je vais maintenant redescendre vers Kashgar… qui est en fait la ville située de l’autre côté, à peine cent kilomètre, du poste frontière où je me suis fait refouler la première fois !!! C’était assez excitant de rouler ainsi vers Kashgar, cette ville fait partie de ces endroits qui m’ont toujours attiré sans que je sache réellement pourquoi ; peut-être pour le parfum d’exotisme, ou l’image d’oasis perdue aux confins du désert qui s’en dégage ?

La ville n’a gardé que peu de traces de son passé sur la route de la Soie, les quelques pans de murs de la vieille ville qui ont résisté au temps semblent en sursis au milieu du béton et des nouvelles constructions. Pourtant Kashgar a conservé son âme de cité marchande et cosmopolite, on y croise beaucoup de Pakistanais, d’Afghans, de Tadjiks. Il règne dans les rues autour de la mosquée Id Kah une agitation incroyable, je me demande s’il n’y a pas là plus de vendeurs de shasliks (brochettes) que je n’ai pu en voir depuis le début du voyage !

Je savais en entrant au Xinjiang, que cette province chinoise, pourtant la plus vaste de toutes, n’était pas le vrai visage de la chine, elle est essentiellement peuplée de Ouïghours Musulmans et ce malgré la pression de Pékin qui encourage la venue, depuis les années cinquante, de chinois han venus de l’est du pays, c’est hélas une tentative de colonisation forcée par assimilation. La ville de Kashgar est restée Ouïghoure, mais elle possède 2 visages : une ville chinoise moderne aux larges avenues avec une place ou l’immense statue de Mao montre le chemin de son bras tendu ; et une ville Ouïghoure aux ruelles étroites et aux maisons de torchis, mais pour combien de temps encore ?

Je vais maintenant reprendre la route en direction de Turpan, par la branche sud de la route de la Soie, puis en traversant une partie du désert du Taklamakan.

L'autoroute du désert, Xinjiang, Chine, 2005
L'autoroute du désert, Xinjiang, Chine, 2005

Chine – Turpan,

25 septembre 2005

Dès le départ de Kashgar, j’ai commencé à sentir la présence du désert, l’air est devenu plus chaud, plus sec, les distances se sont allongées, le ruban de bitume taille droit devant dans l’immensité, avec, de temps en temps une oasis de peupliers. Ici l’ennemi, c’est le sable, la lutte est permanente, il faut freiner les dunes, les empêcher de recouvrir les cultures, les routes… Je le sens mais je ne le vois pas, ce fameux Taklamakan, au nom terrible de « pays d’où l’on ne revient pas ».

Cette route du sud est millénaire, ainsi que les villes qui la jalonnent : Yarkand, Hotan, je pensais la suivre ainsi jusqu’à Turpan, mais dans ces étendues rien n’est jamais joué d’avance. Entre Qiemo et Ruoqiang, l’excellente route que je suivais déjà depuis près de 350 km, se transforme soudainement en piste, il est 15h, il me reste un litre d’eau, le village ou je pensais me ravitailler et que ma carte situait environ 80km après le début de la piste est toujours invisible après 100km… Je l’ai probablement raté en tirant un peu trop à l’est et il reste encore au moins 250 km de piste devant moi !!!

Cette voie n’est plus guère fréquentée depuis l’ouverture de l’autoroute du désert, en 2h je n’ai croisé que quelques chameaux qui paissent tranquillement, ma moto commence à accuser le poids du voyage, seul, la solution s’impose plus que je ne la choisis, demi-tour. Cela va me donner l’occasion le lendemain de prendre cette fameuse trans-désert que je voulais éviter au départ car je n’arrivais pas à savoir précisément ou je pourrais ravitailler en essence. De toute façon, depuis que je roule dans cette région, j’embarque un réservoir supplémentaire de 10 litres sanglé sur la selle ce qui me permet d’être beaucoup plus serein au niveau de l’autonomie, à condition de le remplir, n’est ce pas ? En région désertique, il ne faut jamais oublier la règle de toujours refaire les pleins, eau et carburant, lorsque c’est possible.

Je pars très tôt de Qiemo, ce jour là, avec tous les pleins faits cette fois ci. Je réveille un policier qui dormait dans son sac de couchage au bord de la route, je dois être le premier à passer par là ce matin, le bruit du DR l’a tiré de son sommeil un peu brutalement, il a du mal à s’extirper de son sac et à retrouver ses esprits, je lui demande si la direction est bonne et complètement hébété il confirme mais ne me demande pas mon passeport ! Un peu plus loin un camion est arrêté, le chauffeur confirme lui aussi, j’ai besoin de me rassurer. Voici enfin le désert, je roule au milieu d’un océan de sable, il est encore tôt, la lumière est belle et découpe les ombres des dunes, c’est un spectacle fabuleux. Les Chinois ont construit là une route incroyable, 500 km de bitume à travers le désert, c’est un travail titanesque pour empêcher le désert de reconquérir son espace.

Sur les 200 premiers km, les dunes sur le bord de la route sont stabilisées par une sorte de treillis de roseaux enfouis dans le sable et puis après, ils ont planté de la végétation sur les bords de la route et installé un système d’irrigation sur près de 300 km, incroyable… Le ravitaillement est bien là, à peu près au milieu du désert, juste à côté d’un champ pétrolifère, le Taklamakan recèle aussi des richesse.

Turpan a la particularité d’être située en dessous du niveau de la mer, son climat chaud et très sec est propice à la culture du raisin, l’essentiel de la production sera transformée en raisins secs. Mais cette oasis ne doit sa survie qu’à un système d’irrigation extrêmement élaboré : les karez, un réseau souterrain de canaux creusés à la main et qui permettent de récupérer l’eau des montagnes voisines, les plus anciens auraient près de 2000 ans. Les environs de Turpan sont aussi riches en cités antiques, Jiaoche, Gaochang, qui fût la capitale du royaume Ouïghour vers le 7ème siècle, mais aussi en anciens lieux de culte Bouddhistes.

Les gens sont très accueillants, c’est une simple grappe de raisin offerte au détour d’un vigne alors que je cherche mon chemin ou une invitation à prendre quelques tasses de thé, mais ce sont des gestes touchants.

Carnets de voyage sur la route de la soie, les remparts de Xi An, entre passé et présent, Chine, 2005
Les remparts de Xi An, entre passé et présent, Chine, 2005

Chine – Xi An,

7 octobre 2005

Xian, point de départ de la route de la Soie dans le passé et aujourd’hui arrivée pour moi !

La route depuis Turpan aura été superbe, ponctuée de très belles étapes, restes de la grande muraille près de Dunhuang, la porte de Jade que franchissaient jadis les caravanes en partance sur la route du nord, Jiayugan avec à nouveau la grande muraille, puis le corridor de Hexi où la piste entre la montagne et la grande muraille a été remplacée par l’autoroute. Il faut me dire si je vous saoûle avec la grande muraille, mais j’adore et c’était un tel plaisir d’en suivre les traces à moto.

La Chine m’aura agréablement surpris, j’avais un à-priori (!), j’imaginais le pays froid, fermé et en fait j’ai trouvé des gens ouverts, pleins de vie et d’entrain, ravis de croiser un étranger visitant leur pays, ils ont balayé sans problème les fantômes du passé. Mon seul regret est de ne pouvoir que très peu communiquer avec eux, la barrière de la langue étant vraiment difficile à franchir !

Les chinois peuvent être aussi adorable que déconcertants, lorsque par exemple votre voisin de table au restaurant se racle la gorge profondément pour déposer un crachat à vos pieds ; d’un sans gêne absolu par rapport à nos critères occidentaux, mais aussi toujours prêts à rendre service et s’ils n’ont pas envie, ils ne s’embarrassent pas de principes…

A bientôt pour les dernières news depuis Beijing… juste avant le retour.

Scène de rue devant la porte de la paix céleste, Pékin, Chine, 2005
Scène de rue devant la porte de la paix céleste, Pékin, Chine, 2005

Chine – Pékin,

24 octobre 2005

Et voilà le bout du chemin, Beijing…, au fond de moi je crois que n’avais jamais imaginé que je pourrais un jour arriver ici à moto… je suis vraiment heureux d’avoir pu faire ce voyage, c’est un rêve qui s’est réalisé !

Mais après cette belle expérience, je suis aussi très content de reprendre le chemin « de la maison ».

Merci pour vos messages, tout au long du voyage, qui m’ont soutenu et encouragé.

Je vous quitte sur quelques images de Beijing avant de prendre l’avion pour la France.

Christophe

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