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Ethiopie à moto, carnets de route

Ce carnet de voyage à travers l’Ethiopie est tiré d’un périple à moto de 6 mois réalisé entre novembre 1999 et avril 2000.

Visa pour l’Ethiopie

Durant cette période, j’ai parcouru avec un Suzuki 800 « Big » DR, un peu plus de 23500 km qui m’ont menés de France jusqu’au Yémen à travers l’Italie, la Grèce, la Turquie, la Syrie, la Jordanie, l’Égypte, le Soudan, l’Éthiopie, la république de Djibouti, pour arriver en suivant les routes de l’encens, au pays de la reine de Saba : le Yémen.

Je vous propose de découvrir ce voyage à travers mes notes journalières, ainsi que quelques photos, dans cette étape qui m’a fait traverser une partie de ce pays immense et peu connu qu’est l’Éthiopie.

Au bout de la piste, la frontière avec l’Ethiopie, Soudan, février 2000

Mes notes de voyage, au jour le jour :

10 février 2000, Gedaref – Shiba
J’arrive en fin de journée au poste frontière de Metema, la piste est particulièrement caillouteuse et difficile sur la fin.
Côté Soudanais, en trois minutes chrono, un jeune policier en civil examine mes papiers, tamponne mon passeport et me lance en anglais « Well, let’s go on the other side » tout en sortant de dessous son matelas un énorme révolver chromé qu’il glisse dans sa ceinture, ça commence très bien…
Il est pressé de se débarrasser de moi, le poste ferme ce soir pour deux jours et il n’est pas question que je reste là. j’aurais pourtant bien posé ma tente ici ce soir pour récupérer un peu, mais cela n’est visiblement pas négociable !
La paix n’est revenue dans la région qu’il y a quelques mois et la tension est encore palpable.
La frontière est matérialisée par une rivière qui se traverse à gué car le pont est détruit, mais heureusement le niveau est assez bas.
Côté Éthiopien, c’est aussi rapide, j’ai droit à un comité d’accueil militaire aligné derrière des tables de classe, mon passeport passe de mains, contrôle express, tampon et je passe à l’étape suivante, fouille des bagages.
Un jeune policier inspecte le contenu de mes valises, il est plutôt sympa et regrette que je n’ai pas de « revues avec des filles » à lui donner… il me laisse filer sans encombres.

Arbre mort, environs de Lalibela, Ethiopie, février 2000

Cependant ce n’est pas fini, il n’y a plus de poste de douane ici et il faut que je rallie Maganan à 40 km de là. Cela ne me ravit pas, la nuit ne va pas tarder à tomber donc il ne faut pas que je traine.
Je prends en moto-stop un jeune soudanais qui va aussi à Maganan et nous voilà partis, nous ne passons pas inaperçus dans les villages que nous traversons, les enfant nous accompagnent en courant et en lançant des « you-you » à tue-tête. Sur la piste nous croisons quelques hommes en armes, kalachnikov en bandoulière, mais qui n’ont pas l’air de soldats.
A Maganan ou Shiba, les dernières formalités sont expédiées rapidement, les deux fonctionnaires m’aident à faire un peu de change et aussi à trouver un endroit pour passer la nuit.
Ce n’est pas vraiment un hôtel, mais il y a quelques pièces en dur dans une grande cour calme, un lit posé sur un sol en terre battue et luxe suprême, je peux me doucher sous un petit filet d’eau.
Il a fait une telle chaleur aujourd’hui, je n’ose imaginer ce que cela peut donner en été…
J’ai des petits scorpions dans « ma chambre », un peu comme ceux que nous avons dans le sud de la France, mais bon le lit est suffisamment surélevé pour éviter les mauvaises surprise, j’espère tout de même ne pas croiser les parents, par contre demain il va falloir que j’inspecte soigneusement bottes, gants, casque, veste, etc…

Premiers paysages d’Ethiopie, février 2000

Il règne une misère terrible dans ce village, il y a quelques constructions en dur mais après les gens s’entassent sous des bâches tendues, en fait c’est plus un camp de réfugiés qui ont fui les combats.
Je ne trouve qu’une petite miche de pain à acheter pour manger, il n’y a pas de commerces, pas d’électricité. Seuls quelques groupes électrogènes ronronnent et produisent une lumière vacillante.
La population semble vivre dans des conditions incroyablement difficiles, c’est beaucoup plus dur que dans les derniers villages traversés au Soudan.

11 février 2000, Shiba – Gondar
Ce matin petit check-up de la moto avant le départ, tout est ok à part le guide chaîne qui est cassé mais ce n’est pas grave. Je trouve de l’essence assez facilement et suffisamment pour faire le plein, c’est parfait car je ne sais pas trop à quoi m’attendre aujourd’hui.
En fait c’est de la piste de chez piste ! Nids d’autruches, passages de gués (les ponts sont quasiment tous détruits), cailloux à volonté, ça promet.

Camion sur la piste, Ethiopie, février 2000

Un groupe de singes traverse devant moi mais pas le temps de les photographier. Je me concentre sur la conduite même si je ne croise pas beaucoup de véhicules, il y a tout de même quelques camions qui font cette piste.
Je traverse très peu de villages dans cette région, je fais une pause « Pepsi » en bord de route et je repars avec un jeune qui veut aller au village suivant.
A deux cela devient beaucoup plus difficile et les 40 km qui nous séparaient de son village se transforment en fait en 80 km. Les distances sont très élastiques…
Nous mangeons un morceau ensemble dans son village, c’est simple mais bon et très peu cher pour moi (2.5 Birr, soit aujourd’hui moins de 10 centimes d’euro !), l’injera est une sorte de grande galette « humide » servie avec des légumes, de la purée de fèves, c’est excellent mais très très épicé !!!

Ethiopie, sur la piste entre Shiba et Gondar

Je l’ai invité, mais avant que je parte il essaye de me soutirer encore un peu d’argent, ses copains essayent aussi de me faire payer lorsque je leur demande la direction à prendre pour Gondar. Depuis que je suis en Éthiopie, les contacts ne sont vraiment pas spontanés, tout se monnaye, mais la vie semble aussi tellement dure…
Je repars pour les 80 derniers kilomètres, mais je n’en vois plus la fin, je fatigue et me je déconcentre.
A l’approche d’une rivière, je vois que le pont est intact et je m’y engage, grossière erreur, le passage est constitué de rondins disjoints et certains sont absents. Trop tard, après quelque mètres, les rondins s’effacent et s’écartent sous ma roue avant, la moto se plante, la fourche dans le vide, quel C.. !
Me voilà donc planté sur un pont branlant, à cinq ou six mètres au dessus d’un maigre ruisseau, et en regardant plus attentivement autour de moi, je vois le passage qui permettait de descendre et contourner le pont… un peu tard !
Le pire est évité, la moto est posée sur le sabot moteur mais elle est stable, par contre je ne vois pas comment je vais me tirer de ce mauvais pas.
Je commence à la décharger lorsque la providence vient à mon secours, deux bergers qui ont assisté à la scène arrivent et à trois nous pouvons soulever la moto et la dégager. Ouf, merci les gars, il ne veulent rien et repartent aussi vite qu’ils étaient arrivés car leur troupeau s’est éloigné, je leur dois une fière chandelle.
Après cet épisode, j’essaye de me concentrer, la piste est un peu meilleure à l’approche de Gondar et le goudron est finalement le bienvenu.

Scène de rue, Gondar – Ethiopie, février 2000

Je me mets à la recherche d’un endroit où passer la nuit, je ne sens pas du tout le bivouac ici, ce serait tenter le diable, L’accueil est beaucoup moins chaleureux qu’au Soudan et il y a dans ce pays trop de gens désespérés et armés. On me demande essentiellement à manger ou bien sûr de l’argent, depuis hier j’ai distribué les quelques provisions, gâteaux secs et nouilles chinoises, que je transportais dans ma sacoche de réservoir.
Je m’arrête à l’entrée de la ville faire une pause et boire un Pepsi (Comme au Soudan, Coca ne tient pas le marché), je n’ai jamais été fan de ce genre de boisson, mais avec le rythme quotidien, cela redonne un peu de pêche.
Je fais la connaissance de Tedena, un jeune qui parle un peu anglais, il souhaite discuter et va m’aider à trouver un hôtel. Il m’emmène d’abord dans un établissement de luxe (140 francs la nuit, nous étions encore en francs à cette époque, soit 22 euros), ce n’est pas pour moi. Je lui explique ce que je cherche nous allons dans un autre endroit, très simple, où une nuit coûte moins de 4 euros.
L’accueil est étonnant, le réceptionniste me demande de laisser mon arme à la réception ?
Il est très surpris que je n’en ai pas !
La douche froide est excellente et je peux même avoir une bière fraiche. Je suis au lit de bonne heure.

12 février 2000, Gondar – Gondar
Aujourd’hui, j’ai prévu de rayonner autour de Gondar, j’aimerais aller vers le nord dans la région des monts Semien (Semien mountains, ስሜን en Amharique). Je retrouve Tedena devant l’hôtel, il m’attendait, j’ai le sentiment que ce n’est pas désintéressé, mais bon…
Il aimerait m’accompagner. Je sais que la route n’est pas trop difficile, je n’ai pas de bagages, c’est ok.
Les paysages sont superbes, mon passager est admiratif devant son pays, il m’a raconté qu’il ne s’était jamais éloigné de plus de 10 km de Gondar, sa mère est fonctionnaire de police et son père a été tué pendant la guerre avec le Soudan.
Il y a toujours aussi peu de véhicules sur la piste et toujours énormément de gens qui se déplacent à pied. Lourdement chargées, les femmes assurent la corvée d’eau.

Photo de groupe sur le bord de la piste, Ethiopie, février 2000

Je n’aurais pas le temps de m’aventurer plus loin dans cette région, les Semien mountains sont hors de portée, j’aurais même aimé aller jusqu’à Aksum, mais plus au nord le conflit reste vif entre l’Éthiopie et l’Érythrée, ce sera pour un autre voyage.
Nous faisons halte à Debark pour déjeuner avant de faire demi-tour.
Sur le chemin du retour, nous faisons des photos et il y a un moment mémorable où alors que nous étions arrêtés au bord de la route, un jeune homme me demande de le prendre en photo et au moment où je lui montre un endroit où s’installer pour ne pas être à contre-jour, la dizaine de personnes qui étaient aux alentours bondissent autour du jeune homme pour être sur la photo.
Il est un peu fâché de ne plus être seul, je fais une photo de tout le groupe et j’essaye de faire une photo avec lui seul mais j’ai toujours au minimum trois personnes devant l’objectif. Même avec l’aide de Tedena, impossible d’obtenir une adresse pour envoyer les photos.
Cela dit, c’est probablement en Éthiopie que j’ai photographié le plus de gens lors de rencontre fortuites et chaque fois que j’ai pu obtenir une adresse, j’ai toujours reçu une lettre pour me dire qu’ils avaient bien reçu les photos et pour remercier.
Retour à Gondar, nous allons nous balader vers le château puis je dois aller faire le plein de la moto.
J’en profite pour contrôler la moto, niveau d’huile, tension et graissage de la chaine, Tedena n’arrive pas à partir, il finit par me demander de l’argent. Je lui explique que je ne veux pas lui donner d’argent, je peux l’emmener en balade pour la journée, lui payer un repas mais c’est tout. Il comprend, je crois, mais part en faisant la tête, c’est dommage, nous avions passé une agréable journée.

13 février 2000, Gondar – Bahar Dar
Je quitte Gondar vers 10h sans avoir pu faire de change, les banques sont fermées, cela risque d’être un peu galère.
A l’office du tourisme, la seule carte disponible est celle qui est affichée à l’extérieur du bureau.
Je recopie quelques infos et directions sur mon carnet, mais rouler ici sans carte est assez compliqué. je n’avais pas prévu de passer par l’Éthiopie et ma Kümmerly+Frey Middle East ne couvre que le nord du pays et encore de manière très imprécise vu l’échelle au 1:4.000.000…

Char détruit, vestige des combats sur la route de Bahar Dar, Ethiopie, février 2000

La piste qui va vers Bahar Dar est excellente. Les traces de la guerre sont visibles, il y a beaucoup de carcasses de chars et de véhicules blindés détruits sur les bas-côtés.
Cette bourgade contraste avec tout ce que j’ai pu voir jusqu’à maintenant, les rues principales sont goudronnées, bordées de palmiers, la proximité du lac donne à cette ville un petit air de station balnéaire.
Je trouve un hôtel situé au bord du lac Tana, qui accepte que je campe dans ses jardins, l’endroit est tranquille, c’est parfait.
Moins cool, l’hôtel héberge un groupe d’une dizaine de Russes qui se présentent comme des enseignants et qui, pour certains d’entre eux s’affichent avec des femmes Éthiopiennes bien plus jeunes qu’eux !
La prostitution est assez présente à Bahar Dar, dans la ville je suis sollicité avec insistance par un jeune rabatteur qui ne comprend pas que je refuse ses propositions, il m’explique même que les français viennent de Djibouti pour les filles !
Pour lui c’est un moyen comme un autre de gagner de l’argent et il n’est pas sensible à mes arguments contre ces pratiques.

14 février 2000, Bahar Dar – Les chutes du Nil Bleu – Bahar Dar

Le jour se lève sur le lac Tana, Bahar-Dar – Ethiopie, février 2000

Ce matin réveil à 6h30, le soleil se lève sur le lac, les oiseaux chantent, les pélicans volent au raz de l’eau, il règne un calme et une sérénité incroyable, c’est magnifique.
La piste qui mène au chutes du Nil bleu est assez cassée avec beaucoup de cailloux plantés, gaffe à la crevaison !
Heureusement, les chutes ne sont qu’à 35 km de Bahar Dar, le site est superbe et même si le niveau de l’eau n’est pas à son maximum, c’est déjà très impressionnant.

Les chutes du Nil bleu, Ethiopie, février 2000

Il y a un projet de construction d’une usine hydroélectrique qui va très probablement transformer fortement le site mais je veux bien croire que le pays a besoin d’électricité !
Retour en ville, après-midi tranquille, j’en profite pour téléphoner et faire un peu de change, mais internet ne fonctionne pas. Je passe un peu de temps à me balader et à faire quelques photos, je suis toujours autant sollicité.

Chantier de construction de la mosquée, Bahar-Dar – Ethiopie, février 2000

15 février 2000, Bahar Dar – Lalibela
J’ai prévu une étape avec beaucoup de km aujourd’hui et je pars trop tard de Bahar Dar, du coup cela risque d’être un peu tendu sur la fin de journée…

Vendeuse de sacs dans la rue, Bahar Dar – Ethiopie, février 2000

La piste serpente à travers les montagnes et les paysages sont magnifiques, passage de col à 2000 m, les températures tombent sérieusement.
Mauvaise expérience en traversant un village, alors que je m’étais arrêté sur le bord de la piste pour faire un peu le point sur la direction à suivre, je suis comme à l’habitude rapidement très entouré, mais là ce qui change c’est que je sens immédiatement une main qui essaye de détacher mon bracelet montre, d’autres mains essayent d’ouvrir ma sacoche de réservoir, et je sens au balancement de la moto que mes bagages à l’arrière sont également l’objet de convoitises.
Par chance, je n’avais pas éteint le moteur, je donne un grand coup de gaz, le moteur s’emballe et surpris par ce rugissement inattendu mon « fan club » recule d’un bond, j’enclenche la première et je me dégage.
Je n’en mène pas large en m’éloignant du village, j’ai le cœur qui bat à 200, il va falloir que je sois plus prudent même si je n’ai pas l’impression de m’être mis en danger.
Il est clair que je ne suis pas le bienvenu dans ce pays, régulièrement dans les traversées de village, j’entends un claquement sec côté droit ou gauche de la moto qui me rappelle que les gamins sont particulièrement adroits au lancer de cailloux !

Sur la piste en Ethiopie, février 2000

Du coup, je loupe l’embranchement pour Lalibela, je fais une bonne soixantaine de kilomètres en trop, il me faut trouver un peu d’essence pour ne pas en plus risquer la panne sèche, au final je perds bien 2 heures qui vont me faire cruellement défaut.
Bien que j’entende au moins 4 ou 5 fois par jour qu’il ne faut pas le faire : je vais donc devoir rouler de nuit.
Les 20 derniers km sont goudronnés, mais j’arrive bien tard à Lalibella, et en me garant sur le bas-côté, je terrorise involontairement un homme qui marchait dans la nuit, je pense que mon apparence avec le casque et les lunettes est inconcevable pour lui, il pousse un cri et s’enfuit dans la nuit.
En rentrant dans le village, un jeune rabatteur m’offre ses services pour trouver un hôtel, j’accepte son aide et m’installe rapidement dans un tout petit hôtel à 1,5 euro la nuit où je suis le seul pensionnaire.

16 février 2000, Lalibela

Sommet de l’église de Saint-George, creusée dans le roc, Lalibela – Éthiopie, février 2000

Réveil à 5h30 pour aller assister à la première célébration du matin dans une des églises creusées dans la roche de Lalibela. Les deux premières « rock church » que je découvre sont horriblement affublées d’un échafaudage métallique qui supporte un toit de tôle ondulée censées les protéger. Il y a là une petit groupe de touristes qui est venu assister à l’office, l’intérieur est très sombre et les peintures intérieures rappellent parfois celles que l’on peut voir dans les églises de Cappadoce.
Fin de la visite vers 8h, mon guide s’accroche, mais je ne veux pas bouger aujourd’hui et encore moins visiter toutes les églises des environs. J’ai plutôt l’intention de faire quelques photos, flâner et me reposer.

Vieille femme marchant sur la route, Lalibela – Ethiopie, février 2000

Je rentre à l’hôtel, matinée cool en lisant le Nouvel Obs, pas très frais certes, que j’ai trouvé à Bahar Dar. J’ai vraiment besoin de me reposer un peu aujourd’hui ! Contrôle rapide de la moto et je ressort en fin d’après-midi faire quelques photos autour de l’église de Beta Giorgis (Saint George) que je trouve vraiment magnifique.

Les gardiens de l’église de Saint-George, Lalibela – Éthiopie, février 2000

17 février 2000, Lalibela – Desse
Je départ de Lalibela est agréable, j’ai plaisir à enrouler les virages sur ces quelques kilomètres de goudron avant d’attaquer la piste. Ce tronçon de route offre du superbes points de vue sur les environs.
A quelques dizaines de mètres devant la moto, un couple de gros oiseaux que j’imagine être des Calaos, traverse la piste pour aller se percher un peu plus loin dans un bosquet d’arbres.
Je retrouve des restes de goudron après avoir rejoint la piste principale, mais c’est pire, en fait il ne reste que quelques plaques de bitume par endroits et c’est encore plus cassant !

Fidèles autour de l’église Beta Georgis, Lalibela – Ethiopie, février 2000

Lalibela était à environ 2500m d’altitude, je suis redescendu dans une vallée, je remonte maintenant sur le plateau et l’ascension continue ; il n’y a que la température qui baisse, je dois être entre 2000 et 3000m d’altitude.
La descente qui suit est vertigineuse, mais il fait bien meilleur et je commence à croiser du trafic sur la piste, quelque voitures, surtout des camions, la piste est couverte d’un nuage de poussière en suspension permanente.
Déjà en temps normal, l’ambiance n’est que rarement sympa, mais ici c’est carrément la soupe à la grimace : je ne suis pas le bienvenu, le moindre renseignement est payant et ce ne sont pas les plus démunis qui demandent avec le plus d’insistance.
En plus, la barrière de la langue n’aide pas, je suis totalement largué avec l’amharique, autant je commençais à me débrouiller avec quelques mots d’arabe dans les pays traversés précédemment, mais ici, si personne ne parle anglais, les échanges sont difficiles.
Ouf, il y a de l’essence à Desse, toutes les stations sur la route étaient à sec ou bien la pompe était en panne…
Je trouve un hôtel minable mais ça suffira. J’ai pu acheter quelques bananes en ville et des gâteaux secs, mais il est toujours aussi difficile de localiser un snack ou un resto et c’est vraiment très net on ne mange pas sur le trottoir ou dans la rue.
Par contre impossible de trouver une carte et je n’ai toujours pas décidé si j’allais jusqu’à Addis Abeba !

18 février 2000, Desse – Arba
Hier, je n’ai vraiment pas fait le bon choix au niveau hôtel, musique à fond et activité dans l’hôtel toute la nuit, je pense que c’est en fait un hôtel de passe ! Il n’y a pas une goutte d’eau au robinet et dans la cour il s’échappe des toilettes une puanteur insoutenable. Je comprends un peu plus tard pourquoi ça sent tellement mauvais, la jeune femme qui récupère tous les matins les pots de chambre de l’hôtel en jette le contenu à la volée, en s’éclaboussant au passage, dans cet espace qui est sensé servir de WC…
Je fuis cet endroit très vite.

Paysage de champs et de cultures, Ethiopie, février 2000

J’arrive à consulter une carte un peu plus précise à l’office du tourisme, je n’irai pas à Addis Abeba, cela rajouterait beaucoup trop de kilomètres et mon pneu arrière ainsi que la transmission commencent à être laminés par cet itinéraire imprévu, et je n’ai pas le choix, il faut absolument que cela tienne jusqu’à Djibouti.
Je recopie quelques infos de cette carte un peu plus précise afin de préparer un semblant de road-book pour cette longue journée qui s’annonce.
Je pensais avoir retrouvé définitivement le goudron, erreur je repars pour 90 km de piste mais plutôt bonne, je commence à vraiment perdre de l’altitude et cette descente dans la plaine s’accompagne d’un montée de la température.
Les stations sont de nouveau à sec, je trouve de l’essence à temps après 250 km. Je croise parfois des groupes de babouins aux fesses rouges qui traînent nonchalamment au bord de la route.
La région est plus sympa, les gens qui marchent sur le bord de la route me font signe et me sourient, ça change agréablement des jets de pierres !

Portraits de jeunes femmes, Ethiopie, février 2000

Il y a beaucoup de militaires dans cette région mais ils ne me contrôlent pas aux barrages. Les « check-point » sont souvent constitués d’un poste de garde, parfois une simple chaise adossée à un mur et une ficelle où un fil de fer tendu en travers de la route, avec un petit bout de tissu qui permet normalement de le voir, ça ne marche pas à tous les coups, j’en ai quand même emporté un dans mon élan à la sortie d’un village.
En fin de journée, je tombe sur un barrage militaire qui refoule tout le monde, ils me font faire demi-tour vers Arba. J’y trouve un hôtel propre avec une douche pour l’équivalent de 2 euros.
Je suis toujours surpris quand je vois à quel point la société éthiopienne peut-être dure, je suis allé marcher dans Arba et le long de la rue principale à quelques centaines de mètres de l’hôtel, j’ai assisté à une confrontation violente entre le gardien d’un édifice qui armé d’un fouet chassait des enfants trop curieux et cela a même fini par des jets de pierres.
J’assisterai à plusieurs reprises à ce genre de scène : un jour ce sont deux 4×4 aux vitre fumées, ceux qui roulent à fond sur les pistes en soulevant des gerbes de cailloux, mais heureusement ils ne sont pas nombreux, qui se présentent au portail d’un hôtel plutôt luxueux, immédiatement attroupement de curieux autour des véhicules, le gardien de l’hôtel ouvre les grilles, les deux véhicules s’engouffrent à l’intérieur et lui chasse la foule à grand coup de fouet.
Ce soir je retourne à l’hôtel manger un bout. Une des filles de l’hôtel me colle sévère et notamment pour que je lui offre une bière, ce que je vais d’ailleurs faire, mais en fin de soirée, même si j’ai été très clair je m’esquive rapidement en prenant bien soin de verrouiller ma chambre afin d’éviter tout malentendu.

19 février 2000, Arba – Dire Dawa
Je repars tôt de Arba, car je pense que j’ai une encore une longue journée de route.
Je retrouve très vite une piste difficile et cela sera comme ça sur près de 230 km, je retrouve aussi un relief plus montagneux, montée, descente, passage de cols mais c’est superbe.
Il y a toujours un nombre incroyable de gens qui marchent, corvée d’eau de bois, tout se porte et se transporte à dos d’homme.
Je rejoins une piste bien meilleure, mais qui n’a pas bonne réputation, c’est l’axe Addis Abeba – Dire Dawa – Djibouti, et son trafic important attire régulièrement les convoitises de bandes de pillards, par chance, je ne les croiserai pas.

La piste Addis Abeba – Dire Dawa – Djibouti, Ethiopie, février 2000

Je fais par contre la rencontre très rapprochée d’un phacochère.
A cet endroit, la piste est très dégagée, le regard porte loin et je vois devant moi un groupe de gros animaux qui traversent sans arriver à les identifier.
Lorsque j’arrive à la hauteur de l’endroit où je les ai vus passer, je distingue sous les arbres deux phacochères qui s’enfoncent dans les broussailles. Debout sur les cales pieds, tout en scrutant le côté droit de la piste, je ne me rends pas compte qu’il y en a un troisième qui, décidé à rejoindre ses congénères, traverse ventre à terre depuis l’autre côté de la piste.
Alors que je me rassieds sur la moto, je le vois soudain qui arrive à fond la caisse sur ma gauche, il est lui aussi passablement surpris, il vire sec à 90° court quelques mètres à côté de moi, nouveau virage à 90° et il retourne d’un coup d’où il venait.
Pff, quelle bête énorme ! Je ne sais pas lequel de nous deux a eu la plus belle frayeur !
J’ai toujours autant de mal à trouver de l’essence, aujourd’hui les cuves sont pleines mais il n’y a pas d’électricité pour actionner les pompes.
Le monopole de Mobil est absolu, ils sont présents même dans les endroits reculés et pour les chauffeurs assurer le ravitaillement avec ces gros camions citernes qui font la piste ne doit pas être de tout repos.

Séance de photos sur la route, Ethiopie, février 2000

C’est visiblement, jour de marché aujourd’hui, il y a beaucoup d’animation dans les villages que je traverse. Alors que je fais une pause sous un arbre en mangeant un paquet de gâteaux, deux femmes qui reviennent du marché s’approchent de moi et me demandent à manger.
Il me reste 3 gâteaux, j’en donne un à chacune et la plus âgée manifeste et me fait comprendre « Quoi un seul ? », je lui donne donc le dernier et il me restait un petit paquet de semoule que je donne à la plus jeune. Elle reste un instant interloquée par le conditionnement se demandant même si cela se mange, mais au vu du contenu, elle est ravie et nous échangeons une poignée de main, que je suppose traditionnelle, elle embrasse ma main et j’embrasse la sienne.
Elle s’en vont et c’est assez drôle, la plus jeune fait remarquer à sa copine « Tu vois en demandant tu as eu un deuxième biscuit et regarde moi ce que j’ai eu ! »
Du coup, je vide ma sacoche, il me restait une boîte de sardines que je donne à un vieil homme qui s’était approché. Je crois que je n’ai plus besoin de tout ça maintenant.
Toujours dans la série bouffe, c’est incroyable toute l’aide alimentaire que je vois circuler par ici, beaucoup de gens portent des sacs marqués USAID, plus troublant par contre des boîtes de conserves frappées du drapeau européen sont en vente dans les épiceries…

20 février 2000, Dire Dawa – Djibouti
Je n’ai pas réussi à savoir exactement combien de kilomètres me séparent encore de Djibouti, entre 200 et 400, de toute façon , je serai très vite fixé.
Le coin est vraiment désert, je suis un peu juste en eau, mais j’arrive à refaire mes réserves dans un ruisseau. La piste est jalonnée de carcasses de chars qui semblent plus avoir été abandonnés que détruits au combat.
Finalement Dewele n’est qu’à 240 km de Dire Dawa, cela suffira, la journée d’hier était vraiment trop longue et puis mon T66, à l’arrière commence à perdre ses gros pavés en losange pour laisser apparaître la trame de corde du pneu, je roule sur des oeufs et je n’aurais pas fait beaucoup plus de kilomètres dans ces conditions.
Dewele est un village fantôme, abandonné. je rencontre beaucoup de mâcheurs de Kat depuis quelques jours et ici la police et les douanes sont beaucoup plus préoccupés par leur arrivage de Kat que par mes papiers. J’avais entendu dire que la sortie d’Éthiopie pouvait être longue et difficile, grâce au Kat, il n’en est rien, tout est réglé en une demi heure et il ne me reste que 7 km avant de trouver la frontière avec Djibouti.

Village de huttes sur la route de Djibouti, Ethiopie, février 2000

A suivre : Djibouti, carnets de route

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Le détail du parcours :

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Tri de la récolte de céréales, Lalibela – Éthiopie, février 2000

La carte du voyage :


Afficher Voyage au pays de la reine de Saba sur une carte plus grande

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Liens relatifs à cet article :

Autoportrait, désert de Nubie, Soudan, février 2000

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